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L'incendie de la bibliothèque des avocats

Dans son ouvrage sur la Justice à Paris pendant le Siège et la Commune (1870-1871), publié en 1919, l’avocat Jules Fabre a donné un récit saisissant des événements, dont les acteurs majeurs sont le Bâtonnier Edmond Rousse (à gauche) et le bibliothécaire Nicolas Boucher (à droite). Dès le 24 mai, ce dernier accourt au Palais en proie aux flammes :

« A l’arrivée du bibliothécaire, le feu avait étendu son action ; les bâtiments de la police correctionnelle, l’hôtel de la préfecture étaient atteints ; les flammes s’avançaient jusqu’au milieu de la cour de la Sainte-Chapelle ; la bibliothèque des avocats n’était pas encore touchée et toutes les issues en paraissaient bien closes. Nicolas Boucher parcourt tout le Palais ; il s’y trouve seul ; ce n’est que quelques instants plus tard que parurent les troupes, accompagnées des pompiers de Chartres ; le bibliothécaire montre à l’officier commandant le détachement l’endroit de la Sainte-Chapelle où il pourra faire fixer le drapeau tricolore ; puis, il réquisitionne trois des pompiers de Chartres et passe la nuit à faire diriger des jets d’eau sur le mur qui séparait la Préfecture de la salle du Conseil. Il espérait, de la sorte, arrêter la marche du fléau et le circonscrire dans les bâtiments déjà attaqués.

Le lendemain 25, il fit, dès la première heure, prévenir le bâtonnier, qui se pressa d’arriver ; on pouvait espérer encore préserver la bibliothèque, bien que le feu poursuivît ses ravages. Mais, le 26, vers 5 heures du matin, une explosion formidable ébranle le bâtiment : elle provient, semble-t-il, du vestiaire Fontaine situé au-dessus de la salle du Conseil ; sans doute, quelque baril de pétrole placé au vestiaire venait-il de s’enflammer. En peu de minutes la salle du Conseil est envahie, une fumée épaisse gagne la salle de travail et les flammes commencent à lécher les armoires de livres. La porte, qui sépare ces deux pièces, est rapidement fermée, il n’y a plus qu’à faire la part du feu et à tenter de sauver ce qui pouvait être sauvé. Nicolas Boucher s’y emploie avec une infatigable énergie ; il fait faire la chaîne entre la bibliothèque et la Sainte-Chapelle, et transporter ainsi les volumes qui y sont jetés pêle-mêle. Déjà le feu lèche les armoires de la salle de travail quand, devant les efforts courageux et opiniâtres des pompiers, il s’arrête. Entre temps et au milieu du tumulte, le bâtonnier avait transporté le buste de Gerbier, attribué par erreur à Houdon ; trébuchant à travers les escaliers, les poutres et les cordages, il avait déposé son fardeau au fond de la chapelle ; “ à chaque pas, il songeait, sans pouvoir s’en défendre, au pieux Enée emportant sur ses épaules, dans la nuit fatale d’Ilion, le vieil Anchise et ses dieux domestiques ”.

Le sinistre ayant enfin, après trois jours, achevé son œuvre infernale, il restait à en reconnaître l’étendue ; elle était immense ; si l’on avait pu sauver les archives de l’Ordre et des collections précieuses – notamment les 236 volumes in-folio des registres du Parlement, depuis 1254 jusqu’en 1790, provenant d’un don de Dupin aîné – 18 à 20 000 volumes étaient détruits, parmi lesquels, tous les ouvrages de sciences, belles-lettres, droit moderne, manuscrits d’un prix inestimable, collections complètes du Moniteur, du Droit, de la Gazette, du Journal des savants, des monographies se rapportant à l’histoire et au monde judiciaires. Dans la salle du Conseil effondrée étaient placés les deux bustes de Paillet et de Marie ; ils s’étaient abîmés dans la fournaise ; celui de Paillet, œuvre de Pradier, fut seul retrouvé, brisé en plusieurs morceaux, la tête restée entière, mais méconnaissable ».

 
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