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Napoléon rétablit les ordres d'avocats

« Je veux qu’on puisse couper la langue à un avocat qui s’en servirait contre le gouvernement », avait écrit Napoléon Ier à Cambacérès en 1804. L’acceptation du legs de Férey par l’empereur est d’autant plus remarquable lorsque l’on connaît cette hostilité du souverain à l’égard d’une profession qu’il jugeait difficilement contrôlable. Désireux de hâter le rétablissement de leur organisation professionnelle, annoncée pour un avenir proche mais sans plus de précision, les avocats organisent en février 1810 une cérémonie à la mémoire de Férey. L’éloge de ce dernier est prononcé par son confrère Bellart en présence du Prince Cambacérès. Le style de l’orateur est quelque peu emphatique, comme on pourra en juger par ces paroles où l’ancienne bibliothèque du barreau est présentée en des termes lyriques :

« Jadis, sous le titre de Bibliothèque des Avocats, existait un établissement dédié au double culte de la Science et de l’Honneur.
C’était là que, dans des réunions hebdomadaires, de jeunes émules venaient apprendre à régler leur bouillante ardeur à la voix de ces vieux chefs, qui expliquaient comment il fallait tempérer le zèle par la modération, et ployer sa fierté au joug d’une discipline salutaire.
C’était là que la gloire et la probité, les qualités brillantes et les modestes vertus, confondues dans la fraternité la plus touchante, apportaient l’hommage de leurs succès divers, dont chacun était orgueilleux, dont personne n’était jaloux, parce que c’était comme le bien de tous.
C’était là que le Talent lui-même n’eût tenté de se faire absoudre d’avoir violé la loi du Devoir : là, que la Licence ou la Cupidité redoutaient de se laisser deviner par ces hommes vieillis dans les voies de la justice, et que nous contractions, de bonne heure, cette honte de mal agir, qui devenait la règle du reste de la vie.

Dans ces réunions, s’offrait le spectacle attendrissant des ces rivaux amis, suspendant leurs querelles pour se prodiguer une mutuelle estime ; de ces champions illustrés par tant de victoires, traitant d’égal à égal avec la médiocrité même, qu’ils élevaient jusqu’à eux par une familiarité consolante.
On y voyait, spectacle plus doux encore aux bons cœurs ! ces orateurs chargés des plus grands intérêts, ces jurisconsultes livrés aux travaux les plus savants, oublier et leur grande clientèle et leurs graves études, pour écouter avec simplicité, pour débrouiller, avec patience, les récits diffus et souvent inintelligibles de villageois, de femmes du peuple, de pauvres, tous sortant, d’auprès d’eux, éclairés sur leurs droits, mieux disposés à la paix, souvent même assistés dans leurs besoins. […]

M. Férey regrettait cet établissement détruit par la Révolution. Sa passion était de le relever. Par son testament, il nous le rend autant que cela fut en lui. Il a fait davantage : et soumettant, comme il le devait, à l’approbation du Souverain, le legs dont il gratifiait “ l’Ordre des Avocats, sous quelque nom, dit-il dans son testament, qu’il plaise à Sa Majesté l’Empereur et Roi de le rétablir ”, il a déposé, ainsi, aux pieds du Monarque qui l’honora de ses bontés, le vœu d’en obtenir, à ses derniers moments, une de plus, dans le rétablissement de l’Ordre dont il conserva si soigneusement les maximes.

Dernières paroles d’un Mourant, vous ne serez pas oubliées ! Celui qui, veillant avec sollicitude sur toutes les parties de l’harmonie sociale, a déjà rétabli la discipline dans un si grand nombre de professions diverses, jettera, quand le temps en sera venu, un coup d’oeil sur la nôtre. Elle n’est pas indigne des regards du Héros, puisqu’elle aime la Gloire ; ni des regards du Législateur, puisqu’elle est consacrée au culte des Lois. Le vœu de M. Férey, auquel nous osons joindre le nôtre, sera exaucé. Permettez, Prince Illustre, que Votre présence même à cette solennité en soit l’heureux présage, et que nous placions un peu de notre espoir, aussi, dans cette bienveillance, pour laquelle nous Vous dûmes, dans tous les temps, une reconnaissance dont je suis encore plus heureux que fier de devenir l’organe. »

Au-delà d’une forme qui prête à sourire aujourd’hui, l’hommage à Férey et l’évocation de la bibliothèque d’antan apparaissent comme une façon de célébrer les vertus professionnelles du barreau les plus aptes à séduire l’empereur : culte des lois, désintéressement, ardeur au travail sont autant de qualités prêtées au défunt et susceptibles d’être cultivées au milieu des livres… Quelques mois après cette célébration, Napoléon Ier signe le décret du 14 décembre 1810 « contenant règlement sur l’exercice de la profession d’avocat ». Après vingt années d’interruption, l’Ordre retrouve une identité. Par son testament, Férey a fait plus que léguer des livres : il a contribué à favoriser la renaissance du barreau.

 
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